Défendre la nature : on bâille. Les gouvernements continuent à affirmer qu’il faut choisir entre le développement économique et l’écologie. La question est de savoir si l’on est capable de décrire cette nouvelle Terre, de se déplacer vers elle et de s’y adapter. Biographie : Bruno Latour est un sociologue, anthropologue et philosophe des sciences français. Alors que la crise du climat est une question de guerre. Dès le début, le lien entre la crise sanitaire et la crise écologique m’est apparu comme une évidence. Ed. Cela demande qu’on explore d’autres façons de parler. Cette situation de guerre reste dans nos têtes comme une espèce d’idéal de la vie politique. Bruno Latour, dans son livre Face à Gaïa présente une vision originale de l’Homme et de ses interactions avec une Nature repensée à l’ère de l’Anthropocène.Pour lui, l’Anthropocène est bel et bien une nouvelle époque géologique. C’est sympa, mais c’est un jeu avec des pièces en costumes. Et, là les choses deviennent politiquement plus fortes parce que la nature, ce sont des bataillons importants. Et qu’il faudrait qu’ils divisent leurs revenus par cinq ! chapô : Bruno Latour. Etre nature (1/7). On n’est pas simplement en désaccord politique, on est en désaccord sur ce qu’est la politique. Bruno Latour, philosophe et sociologue des sciences, professeur émérite associé au médialab de Sciences-Po Paris. La version dramatisée de cette idée est le « catastrophisme », qui est à la fois exact — si on suit les scientifiques — et exagéré. Quel monde commun voulons-nous habiter ? Reporterre — Comment décrire la situation politique d’aujourd’hui ? Dans Reporterre, vous aviez expliqué que la question du climat est bien plus importante que le terrorisme de Daech. On le voit encore très clairement avec les États-Unis. Cela peut être des humains. Ils disaient : « Il faut s’occuper de la nature. Lundi 30 novembre, les chefs d'Etat inaugurent la COP21 dans un Bourget sous haute sécurité. Quand le libéralisme de Hobbes se crée au XVIIe siècle, c’est entièrement sur des questions religieuses. Ressentez-vous cette ambiance de l’époque ? Je ne suis pas un bon catholique, mais je ne suis pas antireligieux. Reporterre s’est entretenu avec lui. Et l’alliance à faire pour y répondre inclut aussi bien des libéraux que des néolibéraux et que des populistes. C’est le sens de la « dénégation » : on sait, mais on dit « je ne peux pas vivre avec cela ». Aller dire aux électeurs du Front national qu’ils ont raison de vouloir la protection du territoire, mais que ce territoire et cette protection n’ont plus de rapport avec la France des frontières et l’illusion d’une pureté ethnique, avouez que c’est compliqué comme négociation ! Elle sait qu’on ne se modernisera pas. Mais il y a une question fondamentale : il faut bien que des voix, qui sont forcément des voix humaines, disent quels éléments de la nature on veut ! La notion de territoire, que la gauche française a toujours associée à des positions réactionnaires, redevient le centre de l’attention. C’est pour cela que le terme de « zones critiques » me va très bien, « zones critiques » comme zones à défendre. Mais, si je dis « Gaïa », on rencontre une autre difficulté. Vous proposez la réintégration de Gaïa en politique. On ne sera pas tous intégrés ensemble. Dans cet ouvrage qui poursuit la réflexion entamée dans Nous n’avons jamais été modernes (1994), Bruno Latour s’attache à montrer comment concevoir ensemble le collectif des hommes et de la nature. Rien ne peut leur arriver. Parce que cela avait l’air de ressembler à la nature, donc leur demande restait radicalement extérieure au social. Vous disiez que pour faire une intégration, il faut exclure quelque part. La question de la « régression ou de la progression », celle de l’« intégration », sont des questions qui posent des problèmes anthropologiques énormes. Je n’exagère pas quand je dis qu’il s’agit de la découverte d’une nouvelle Terre. Huit conférences sur le Nouveau Régime climatique publié en 2015 et de Où atterrir, comment s'orienter en politique publié en 2017. Copier Latour Bruno, Nous n'avons jamais été modernes. Cette politisation du climat s’est faite assez vite finalement. Il faut trouver des alliés partout, parce que nous partageons une grande ignorance sur l’état du sol sur lequel on va arriver. Qu’entendez-vous par ce terme de classes « géo-sociales » ? » Il n’y a pas une politique qui absorbe la déréliction dans laquelle on se trouve. Il faut un terme puissant mythologiquement. Pour le sociologue Bruno Latour, il est urgent de transformer les questions d’écologie en questions de territoire afin de sortir de la crise politique et environnementale. On ne peut pas faire cela d’un seul coup. La Découverte, coll. C’était stable. . Tel que les scientifiques l’ont modélisé, le climat pesait sur ces États, sans quoi ils ne se seraient pas réunis. Je fais l’hypothèse que si on n’arrive pas à s’orienter, c’est que l’on continue à constamment revivre l’opposition d’une époque où l’on n’avait le choix qu’entre le développement vers l’avenir et la régression. Darwin ne mettait pas l’accent sur l’environnement, mais sur les organismes dans un environnement au sein duquel il leur fallait survivre. Oui, des États et des ressources. Ce sont les conditions et les contraintes de telles redéfinitions qu'il explore avec une grande rigueur dans cet essai novateur. Photos : Pourtant, la société civile a déjà énormément changé. On ne peut pas travailler la question écologique sans travailler la question métaphysique et par conséquent aussi la question religieuse. Bruno Latour “Inside” (plus French Natures!) Nous recommençons, voilà tout. En fait, le concept cartésien de nature ? Essai d'anthropologie symétrique. On était sur Terre avec des ressources qu’on se disputait. » Ce n’est pas une défense purement territoriale. Comment est-ce qu’on absorbe un monde où il faudrait cinq Terres alors qu’il n’y en a qu’une ? October 29, 2018 by Steve Mentz. La question de Gaïa implique que la Terre se régule elle-même. Oui. Après avoir enseigné à l'École des mines de Paris, il est depuis septembre 2006 professeur à l'Institut d'études politiques de Paris... Lire la suite. Pour proposer une autre carte de la politique, un autre axe que celui qui va de la régression à la modernisation, les écologistes se sont appuyés sur la « nature ». Ou n’est-ce pas une fracture au sein de chaque société ? Quand Bush père dit « The American way of life is not negotiable », c’est un argument religieux. Faire alliance suppose de renouveler aussi le ton dans lequel on parle de politique. À la fin, il s’agit toujours d’une « métaphysique ». C’est horrible, le confinement !… J’ai pensé qu’il fallait essayer de faire du positif avec du négatif. Évidemment avec les dangers que cela pose : « se reterritorialiser », « se réenraciner » sont des termes toxiques. Bruno Latour announces his project dramatically: "Political ecology has nothing whatsoever to do with nature, this jumble of Greek philosophy, French Cartesianism and American parks." Parce qu’on n’a jamais compris qui on devait intégrer et avec qui. Vous ne pouvez plus vous balader sans vous dire : « Ce spectacle que je vois est magnifique, mais est aussi causé par ma connivence. Il faut aussi reprendre la question écoféministe. Ils n’ont pas vu que la nature était elle-même une notion politique. Politiques de la nature Comment faire entrer les sciences en démocratie ? Dans un coin d’Allier où les gens ne s’en sortent pas, il crée cinq ou six jobs à plein temps, parce qu’il a changé le mode juridique de l’attribution des emplois. Mais la question importante à se poser, c’est de se demander où, nous, les autres, nous allons atterrir ? Ils se considèrent toujours comme un peuple sauvé. À ce moment, on fait alliance entre la résistance de la société à l’exploitation et la résistance des êtres cohabitant à l’exploitation. Le vide de la politique est matérialisé par le fait que l’État s’intéresse tellement à la question de sécurité. Et de quoi se compose le territoire ? Ce sont eux qui ont les ressources. C’est LE grand texte qui fait une liaison entre la question de la pauvreté et la question écologique. Comment va-t-on dire aux gens qui veulent revenir au monde ancien et qu’on accuse de populisme qu’ils ont raison de vouloir un territoire, mais que ce n’est pas le bon territoire ? « Armillaire », 1999, 383 p. 1 Dans cet ouvrage qui poursuit la réflexion entamée dans Nous n’avons jamais été modernes (1994), Bruno Latour s’attache à … Ce travail n’a jamais eu lieu avec les écologistes. Et pour cela, il faut reprendre toutes les questions classiques. On ressent une atmosphère d’effondrement, nombre de gens ont le sentiment d’une société qui ne peut plus durer ainsi. A new enquiry into Natural Religion". Ce sont les conditions et les contraintes de telles redéfinitions qu\'il explore avec une grande rigueur dans cet essai novateur. Vous voulez dire qu’ils n’intègrent pas réellement la question écologique ? Il est beaucoup plus difficile de définir des fronts que de définir les amis et les ennemis. Donc, entre eux et les gens qui prennent leurs décisions en fonction de ce que j’appelle le nouveau régime climatique — qui est plus vaste que le climat, il intègre aussi les animaux et la biodiversité —, il n’y a pas de monde commun, de métrique commune. L’indifférence à l’écologie est d’origine religieuse — même dans ses versions les plus apparemment laïques. © 2019 Reporterre - tous droits reservés. Il y a une multitude nouvelle de gens, de mouvements, d’attitudes, qui témoignent de changements de perspective. Dès que vous disiez « je ne suis ni l’un ni l’autre », on vous ramenait à la question de la bougie. Elle a un énorme avantage sur le darwinisme. On aura beau dire qu’il faut défendre les espèces, cela ne vous concerne pas directement, ce n’est pas vous. Dans son dernier livre, « Où atterrir ? Il ne faut pas oublier qu’une grande partie du ton le plus habituel de la gauche vient d’une histoire qui date d’un siècle, de la situation de guerre entre 1914 et 1917. Professor Bruno Latour delivers the Gifford Lecture series entitled "Facing Gaia. Bruno Latour announces his project dramatically: “Political ecology has nothing whatsoever to do with nature, this jumble of Greek philosophy, French Cartesianism and American parks.” Nature, he asserts, far from being an obvious domain of reality, is a way of assembling political order without due process. Je le fais pour être entendu. Ce qui est nouveau, c’est qu’il y a une dispute sur l’échiquier lui-même : quelle est sa forme ? 54 citations de Bruno Latour. Quelles zones humides ? Quel monde commun voulons-nous habiter ? Pierre-Yves Condé . J’étais récemment en avion au-dessus des glaces du Groenland. Bruno Latour a donné les conférences Gifford à Edimbourg en Février 2013 Bruno Latour a donné les conférences Gifford sur la religion naturelle. Cette autre chose n’a jamais eu de représentation crédible pour ceux qui sont dans cet état de « déréliction », d’« embarrassement ». Peut-on dire que votre sociologie intégrerait dans la société les humains et les « non humains » ? Évidemment il y en a un, mais il est considéré comme n’appartenant pas au territoire sur lequel les États-Unis prennent leurs décisions. L'ouvrage s'ouvre avec une belle Antanaclase : « Que faire de l'écologie politique ? C’est cela que j’appelle l’« embarrassement » ou la « déréliction ». Bruno Latour est sociologue, anthropologue et philosophe des sciences. Quelle agriculture ? Ce n’est quand même pas arrivé très souvent. ». Il y a eu le XVIe siècle et il y a maintenant. Qu’est-ce que l’histoire ? L’argument de votre dernier livre, Où atterrir ?, est que la politique doit se réorienter selon un autre axe que celui qui s’est imposé depuis un demi-siècle — entre le passé et le progrès. Est-ce que cela ne pose pas une question métaphysique ? Ils ont parfaitement raison de dire que les questions politiques sont des questions territoriales. N’est-ce pas le changement climatique qui s’est imposé ? Cela change tout parce du coup, il devient très difficile de définir un organisme ou même une population d’organismes isolés du reste. Fondée sur les nations, les États…. Si on ne comprend pas que ceux qui refusent d’agir sont aussi troublés que ceux qui agissent, on perd l’occasion d’établir des alliances possibles. Mais le travail métaphysique de compréhension anthropologique, on a pensé qu’on pouvait s’en dispenser. Politiques de la nature de Bruno Latour sur AbeBooks.fr - ISBN 10 : 2707142190 - ISBN 13 : 9782707142191 - La Découverte - 2004 - Couverture souple Du point de vue de la philosophie de la nature de Lovelock, l’environnement est produit par les organismes. Qu’est-ce que l’économie ? Alors qu’en fait, ils ont toujours désigné autre chose. J’ai pris cette magnifique image [ci-dessous] dans laquelle on reconnaît sur la glace en mer de Baffin un visage qui crie. N’est-ce pas une métaphysique non déiste ? Bruno Latour, born in 1947 in Beaune, Burgundy, from a wine grower family, was trained first as a philosopher and then an anthropologist. . Les classes géo-sociales sont des alliances entre des groupes sociaux qui ne sont plus définis par leur position dans le système de production, mais par leur cohabitation choisie sur un territoire. Cette version n’est justement pas providentielle. Dans les années 1950-1960, les partis de gauche ont continué à définir les classes sociales d’une façon qui ne correspondait plus aux changements en cours. Professeur au Collège de France, Chaire d’anthropologie de la nature . C’est un terme mythologique. L'anthropologie des modernes de Bruno Latour et Philippe Descola (EHESS, 2013) C’est sensationnel ! Ce que j’entends de Mélenchon, c’est Germinal   à la télé ! Quels avions veut-on ? On discute « cosmologie » et pas d’intérêts sur un fond matériel qui serait commun. Il faut trouver d’autres affects, d’autres tons. Ces élites sont d’accord pour s’en aller, pour se couper. Ces questions deviennent communes. » Est-ce la nouvelle politique ? Comment faire entrer les sciences en démocratie, La Découverte, 1999 . Mais elles n’ont pas fait l’objet d’une mise en politique par la gauche. Au contraire ! Après avoir enseigné à l'École des mines de Paris, il est depuis septembre 2006 professeur à l'Institut d'études politiques de Paris (dit Sciences Po). C’est là qu’on est de nouveau dans la « cosmologie ». Zad manif : © Isabelle Rimbert/Reporterre Défendre les territoires : on se bouge. Tout le monde est d’accord sur le constat de l’extension des inégalités et de l’excès de déréglementation. Bruno Latour announces his project dramatically: “Political ecology has nothing whatsoever to do with nature, this jumble of Greek philosophy, French Cartesianism and American parks.” Nature, he asserts, far from being an obvious domain of reality, is a way of assembling political order without due process. Zad : © Marie Astier/Reporterre Et puis, l’histoire matérielle, l’histoire environnementale. La politique est maintenant sous la contrainte d’une forme de pouvoir que moi, j’appelle Gaïa, et qui donne une autre occasion de définir la politique. Mais ne sont-ce pas les riches qui se coupent de la société ? Vous parlez de nouvelle Constitution. Bruno Latour. . © Manuel Braun Quelle autre question voulez-vous poser ? Alors que si l’on dit que nous sommes des territoires, les territoires cela se défend, on n’hésite pas. Par contre, ce qui est nouveau, c’est l’irruption d’une Terre qui a des définitions nouvelles. Ces conférences, créées … Si on ne met pas cette affaire de déréliction au centre de la discussion, on ne comprend pas à quel point on est désorienté. He is especially known for his work in the field of science and technology studies (STS). Ça reprend les questions de genre, de colonisation, d’inégalités, de mode de vie. Sauf que les néolibéraux ne remettent pas en cause l’extension des inégalités. Il ne faut pas utiliser le mot parce que « nature » oriente aussitôt vers une vision apolitique. Thus, his book proposes an end to the old dichotomy between nature and society—and the constitution, in … Donc la question écologique ne peut pas les toucher. Bruno Latour, Politiques de la nature. Le bicaméralisme moderne, qui oppose nature à la société, le chercheur au politique, doit être remplacé. Les zadistes et les gens qui veulent construire un aéroport ne sont pas sur le même sol. Vous continuez à employer le terme de « nature » ? Je ne sais pas. Les écologistes y sont accusés d’être toujours ceux qui nous demandent de revenir en arrière, de régresser. Après avoir été assistant de Jean-Jacques Salomon au CNAM, puis avoir enseigné à l'École des mines de Paris, il est depuis septembre 2006 professeur à l'Institut d'études politiques de Paris (Sciences Po). Quelle est la différence entre la nature et un territoire ? Bruno Latour, Politiques de la nature. Mais la hiérarchie établie par l’Etat est inverse, parce qu’une menace terroriste, c’est idéal pour l’État. Ce sont les différentes parties prenantes qui se trouvent sur un territoire. Que voulez-vous dire par « déréliction » ? En même temps, des partis qui viennent de la tradition ouvrière du XIXe siècle intègrent maintenant la question écologique. Il y a eu pas mal de révolutions avant : 1848, la Commune, pour ne parler que de la France…. Ce n’est pas une politique d’êtres humains entre eux. Reporterre s’est entretenu avec lui. C… Pourquoi ? . Mais si les écologistes ne veulent plus régresser, où veulent-ils aller ? Plutôt que de reprendre l’entreprise familiale, Bruno Latour s’oriente vers des études de philosophie tout en s’intéressant à l’anthropologie. Tous ces sujets sont difficiles et nous restons dans un énorme retard intellectuel sur ces questions. Il faut faire un travail qui est l’équivalent du travail considérable fait par les socialistes au XIXe siècle sur les questions d’échanges, de développement, d’histoire….

Renault 14 Bleu, Faire Son Autoportrait Arts Plastiques, Tableau Vanité Analyse, Fiche De Lecture Le Barbier De Séville Gratuite, S'inscrire à Mon Dossier, Femme Qui Fuit Un Homme, Livre Histoire De L'art Contemporain, Test Covid Vincennes, Charles Trenet At Discogs, Art En Latin, Noviscore Je Te Promets,